28 avril 2011
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On m'avait pourtant prévenu qu'elle viendrait. Puis, un bon matin, il y a bien quelques années, j'ai senti son souffle. Elle était là, dans mon dos, m'enlaçait tout doucement de ses grands bras tout en m'enveloppant dans son manteau moelleux. Seul, devant mon miroir, j'ai levé les yeux et je l'ai enfin aperçue. Ses petits yeux bleus, myopes, probablement charmeurs autrefois, étaient partiellement cachés par d'étranges lunettes grises. Autour d'eux cherchait à se camoufler tant bien que mal l'arnaque de sa vie, ses rides. Une cicatrice à la lèvre supérieure lui rappelait sans nul doute l'exubérance de sa jeunesse. Ses cheveux, blanchis par un quelconque processus biologique, qu'elle seule devait connaître, dégarnissaient de plus en plus sa tête. Sur son front et dans son cou, les plis se multipliaient, signes évidents d'une grande sagesse. Enfin, la peau striée de ses mains meurtries, devenues tremblantes, ne parvenaient plus à dissimuler le labeur de sa vie. Malgré tout, elle me fascinait. Son sourire moqueur et la naïveté de son regard enfantin l'embellissaient. Le temps ne semblait plus pressé. Sa joie de vivre se lisait sur ses traits comme si elle goûtait à chaque instant qui passait. Elle paraissait tellement heureuse... J'ai penché doucement la tête, baissé les yeux. La vieillesse, timidement, s'excusa de son intrusion dans mon existence et, par peur de me perdre, me pressa tout contre elle. Claude Duplessis / Hull-Outaouais / Source: la revue de l'A.R.E.Q. |