J’aimerais vous partager quelques phrases de Maryse Chartrand, extraites du livre La vie est belle d’Isabelle Clément. Cette femme a fait le tour du monde pendant un an avec ses trois enfants et son conjoint. Lorsqu’ils sont revenus à Montréal son conjoint s’est suicidé, elle a fait un documentaire de ses voyages à Canal vie et a passé à l’émission Tout le monde en parle pour parler du suicide.
Samuel était aimé et il nous aimait. Et pourtant, il était mort, vidé de tout l’amour qui l’entourait. L’amour, cette force qui peut transporter des montagnes, n’avait pas pu sauver mon amoureux. « Le suicide est un tsunami qui anéantit jusqu’à vos convictions et vos valeurs les plus profondes.
Ce que nous projetions de vivre ensemble n’était pas possible. Je pensais à vieillir sans lui et j’avais mal. Je pensais à l’avenir de nos enfants, c’était pire encore.
J’ai eu peur de ne pas survivre à son départ. Peur que les enfants et moi soyons condamnés à être des loques humaines. Alors que cette pensée me terrorisait, je me suis rendu compte de son irréalité : je respirais. Je survivais. Je vivais. Il était mort, mais pas moi. Pas les enfants. La vie continuait. Elle pulsait dans nos veines.
Je suis alors sortie dans la rue et j’ai regardé les arbres très attentivement. Étaient-ils différents depuis sa mort? La lumière d’automne était mordante. Les feuilles, flamboyantes. L’air vivifiant.
Hier et demain me tourmentaient. Pas le moment présent. L’ici maintenant auquel les maîtres spirituels nous convient m’était offert avec une bonhomie infinie.
Je me rappelle m’être trouvé privilégiée. Le seul endroit dans la quiétude était le PRÉSENT. J’ai alors entrepris de m’arrêter aussi souvent que nécessaire pour revenir dans ce lieu libre de tout tourment. Aussi, quand les enfants et moi riions autour de la table, au souper, je prenais au vol cet instant et je demandais aux enfants : « Qu’est-ce qui nous manque en ce moment? » La réponse honnête était toujours la même. Rien. Nous étions bien. LA VIE ÉTAIT BONNE.
Ce sont nos pensées à propos de la réalité qui causent notre SOUFFRANCE. L’existence est innocente. Dépouillée de tous nos jugements, la vie n’est que candeur. Toujours.
Et c’est ainsi que je me suis reconstruite. Ou plutôt, c’est ainsi que je me déconstruis, un peu plus chaque jour. Je désapprends à vouloir comprendre pour simplement M’ÉMERVEILLER. Je désapprends à JUGER pour embrasser ce qui est. Je désapprends à vouloir contrôler ma destinée pour me rendre disponible à elle. Je désapprends à me faire confiance pour être en confiance.
La vie est belle et hideuse, généreuse et intransigeante, sensible et cruelle, banale et grandiose. Elle est le noir et le blanc, et chaque couleur entre ces deux pôles. Elle est ce que j’y vois. Elle est sur quoi je m’attarde. Elle est la pensée que je crois.
Le décès de mon mari a été ma plus grande épreuve et mon plus grand cadeau. Je sais maintenant que la mort n’est pas une finalité. Samuel est plus près de moi qu’il ne l’a jamais été. Je sais aussi que rien n’est imperméable. Quand un creux de vague arrive, j’y entre de plein gré en sachant qu’il ne DURERA PAS, et lorsqu’un moment de pur bonheur me vient, j’y goûte pleinement. J’embrasse ce qui passe parce que justement cela ne fait que passer.
Je réalise que l’important n’est pas ce que la vie me donne. C’est plutôt ce que moi je lui donne. Lorsque je lui offre ma présence, elle devient exactement cela UN PRÉSENT. Du fond de mon être monte alors une prière qui ne tient qu’à un mot : MERCI!